Adrien Deyhim est Product manager chez Toucan Toco, une solution de Guided Data Analytics qui permet à tous les utilisateurs de mieux comprendre leurs données grâce au Data Storytelling. Adrien s'occupe de la gestion de la donnée au sein de Toucan, dont les problématiques d'intégrations aux services générant de la donnée.
Comme beaucoup de product managers, j’alterne mes heures de travail entre vision produit, roadmaping, discovery, delivery... Et entre les outils au service de ces différentes missions, je reçois des retours produits sur des channels Slack, je consolide ces idées sur Product Board où je conçois des roadmap, je pilote le delivery sur Jira, je regarde mes analytics sur Mixpannel... Chacun de ces outils me sert à des moments différents, mais ils perdent souvent une partie de leur valeur s'ils sont utilisés seuls ou sans lien les uns avec les autres. Leurs concepteurs en sont conscients : cet écosystème propose énormément d'intégration pour faire en sorte que mon expérience de Product Manager soit couverte par un certain continuum "sans couture". Je peux pousser les feedbacks Slack dans Product Board, y constituer des candidats à la roadmap, pousser ensuite les features proposées dans Jira sous forme d'EPIC et suivre leur avancement. C’est de ce continuum que parle cet excellent article d’Open View, qui ont intronisé le “Product Led Growth” : A New Era for PLG: Introducing the Age of Connected Work.
Cette philosophie, s'intégrer aux meilleurs outils du marché pour couvrir un workflow métier, est aujourd’hui un pilier de notre stratégie produit chez Toucan.
Tous les produits SaaS ont besoin d’intégration
Des intégrations pour alimenter Toucan avec de la data
Les intégrations sont aujourd’hui un élément incontournable dans le monde des SaaS. Les utilisateurs ont à leur disposition de plus en plus de produits spécialisés qui leur permettent de gagner en efficacité sur tout ce qu’ils font : vente, CRM, gestion de projet, analytics. Ils ont donc besoin de pouvoir lier ces écosystèmes entre eux pour mieux les utiliser : l’exemple d’un Product Manager qui doit passer d’un outil à l’autre l’illustre bien. La plupart des SaaS l’ont bien compris : ils proposent leur propre API pour faciliter les intégrations.
Dans le cas de Toucan, les intégrations ont dès le début été un élément incontournable du produit : Toucan est une plateforme de Guided Data Analytics, qui vise à rendre les données des entreprises plus compréhensibles et plus accessibles grâce au Data Storytelling. En clair : nous permettons à nos utilisateurs de présenter leurs données de manière plus intuitive, plus pédagogique, plus ergonomique. Mais pour que nous puissions faire ce que nous faisons de mieux, encore faut-il avoir accès à notre matière première : la donnée. Notre priorité, très vite, a été de créer des connecteurs qui nous permettent d’aller chercher la donnée où qu’elle soit stockée, que ce soit dans des fichiers excel ou des outils métiers comme Salesforce, Hubspot, Anaplan... ou des data warehouses comme Snowflake ou Redshift. Les connecteurs, qui permettent de s'authentifier à un service et d'en extraire la donnée, sont vite devenus un axe de vente très important de notre produit. Et ma mission est de proposer les connecteurs permettant de se connecter aux solutions les plus pertinentes et de déterminer pourquoi prioriser la connexion à une base de données plutôt qu'une autre et à une API plutôt qu'une autre ?
La question du make, buy or partner
Mais il n’y a pas que la question du sourcing de la data qui nous a poussé à donner tant d’importance à nos connecteurs et à l’intégration. Comme toute équipe produit, nous nous sommes posés très vite la question du make, buy or partner : Voulons-nous développer nous-même toute la stack produit nécessaire pour répondre aux besoins de nos utilisateurs et maîtriser leur expérience de bout en bout ? Ou préférons-nous profiter de l'expertise d’autres acteurs spécialisés sans être maître des choix produits ? Là aussi, la réponse nous a semblé évidente : nous voulons offrir à nos utilisateurs ce qui se fait de meilleur, en combinant ces alternatives. Nous mettons toute notre énergie dans le développement d’une solution de Guided Data Analytics, et on n’est pas peu fier d’affirmer qu’on réussit à être très compétitifs sur ce segment.
Il y a, sur le marché, d’autres acteurs qui sont extrêmement bons dans leurs spécialités respectives. On peut (grossièrement) décomposer fonctionnellement les capacités d'un outil de BI comme suit : préparation de la donnée, conception des tableaux de bord, partage et actionnabilité des insights. Si on s'intéresse au premier point, la préparation implique de pouvoir calculer sur des volumes de données importants. Plutôt que de développer nous même notre technologie de data warehousing, nous avons cherché à développer des intégration profondes à des data warehouses de pointe du marché telles que Snowflake ou Amazon Redshift. Concrètement Toucan propose une interface graphique, dont nous maîtrisons l’expérience, pour préparer la donnée mais les calculs sont effectués par les data warehouse. Toucan devient une surcouche front et offre une expérience utilisateur simple pour des utilisateurs non techniques. Les data warehouse eux gèrent le stockage et le calcul avec des performances que nous n'aurions pu égaler à notre taille.
Les intégrations boostent l’engagement utilisateur et réduisent le churn
Une expérience plus simple pour vos utilisateurs
Gardons l’exemple de notre intégration à Amazon Redshift. Il est difficile de se servir de Redshift lorsqu’on ne sait pas écrire des requêtes en SQL et maîtriser les subtilités techniques de bases de données. Les solutions très performantes comme Redshift restent donc l’apanage des populations techniques et expertes… aux dépens des utilisateurs business qui veulent créer des indicateurs métier qui ont un sens pour eux et ne se sentent pas capable d'utiliser la donnée de ces Datawarehouse. Toucan leur permet d’y avoir accès de manière plus simple, même s’ils n’ont pas de compétence technique. Ce faisant, nous maximisons l’investissement de nos clients dans ces data warehouses en permettant à un nouveau persona, les utilisateurs métiers qui souhaitent piloter leur activité, d’avoir accès à la donnée au sein de Redshift, en la transformant de manière autonome, sans goulot d’étranglement des équipes IT - qui ont bien d’autre préoccupations sur des problématiques encore plus techniques.
De nouveaux workflows
Les intégrations ont l’avantage de permettre à vos utilisateurs d'interagir avec votre produit de nouvelles manières en l’intégrant à de nouveaux workflows. Prenons Productboard, par exemple : leurs deux intégrations avec Slack et Jira m’ont permis de créer un workflow essentiel à mon travail, qui va de mes interlocuteurs business à ma squad de devs. Avec Toucan, nous voulions donner à nos utilisateurs l'opportunité de créer les workflows qui leur correspondent. Nous nous sommes rendus compte qu’en termes de données, il ne suffisait pas d’avoir accès à l’information, il fallait aussi pouvoir la partager et agir vite et efficacement en équipe. Il ne nous suffisait pas de construire des connecteurs de type “pull” qui permettent de sourcer la donnée, il nous fallait aussi des connecteurs de type “push” qui permettent de partager les résultats obtenus sur Toucan. C’est pour cette raison que nous avons choisi de construire des intégrateurs Slack, MS Teams et email.
Des interactions plus fréquentes avec vos produits
On pourrait diviser les produits SaaS en deux catégories. D’une part, les outils très spécialisés pour un métier et une fonction qui sont utilisés surtout par une équipe précise (Hubspot, Aircall ou GoogleAds par exemple), de l’autre, les outils transversaux qui ont vocation à être utilisés par tout le monde au sein d’une entreprise (la suite Microsoft ou Slack). Avec son ambition de rendre la data accessible pour tous, Toucan se place clairement dans la deuxième catégorie. C’est à la fois une force et une faiblesse : nous pouvons prétendre à un plus grand reach, mais nos utilisateurs ne nous consacrent que très peu de temps pendant leur journée de travail. Quel utilisateur non spécialiste des données passe plus de 5 minutes à manipuler la data ? Alors, plutôt que d’espérer que les utilisateurs viennent de leur propre initiative sur Toucan, nous devons trouver le moyen de nous intégrer aux applications incontournables qu’ils utilisent tous les jours. Lorsque quelqu’un reçoit un message poussé directement depuis Toucan dans sa messagerie d’entreprise, il a plus de chances de cliquer dessus et d'interagir avec notre produit. Par là même, on booste l’engagement et réduit le churn car nous devenons de plus en plus intégré dans le quotidien de nos utilisateurs. En choisissant de développer des connecteurs pour Slack et MS Teams, soit les deux leaders de messagerie interne d’entreprise, nous nous sommes assurés de pouvoir toucher un marché plus large. Ce qui nous amène à…
Comment prioriser sa stratégie d’intégration
Prioriser ses intégrations
Très bien, vous êtes convaincus de l’intérêt des intégrations pour votre produit. Seulement voilà : encore faut-il savoir par où commencer. Vous ne disposez sans doute pas de ressources illimitées, il faut donc choisir quels connecteurs développer en premier.
Chez Toucan, nous avons pour habitude de nous baser entre autres sur les critères du framework RICE pour prendre ce genre de décisions : Reach, Impact, Confidence, Effort. Nous ne sommes pas des fanatiques des frameworks de priorisation mais force est de constater qu'ils conduisent à se poser de bonnes questions et avoir des conversations plus riches avec les équipes design, techniques et business. Sans rentrer dans un cours sur le RICE, très présent dans la littérature produit, voici comment nous l’appliquons sur le cas des intégrations:
- Reach : avant de développer ou d’améliorer un connecteur, on se demande quelle en est l’audience. Par exemple, si on sait que le connecteur le plus utilisé est Google Sheets, on essaye de l’améliorer en priorité. Dans le cas des connecteurs à créer, on regarde le marché adressable et on essaye de prioriser les connecteurs avec les produits les plus utilisés.
- Impact : l'impact est une notion souvent floue. Il faut donc établir des critères précis pour l’évaluer. Ici, nous nous demandons à quel point le connecteur permet de faciliter la connexion par rapport aux connecteurs "universels" dont nous parlerons plus tard. La facilité de connexion se mesure assez simplement avec le taux de réussite d'une connexion au premier coup.
- Effort : enfin, on s’interroge sur la faisabilité de l'intégration. L'API ou la base de données est-elle facile d'accès, est-elle bien documentée, est-elle bien maintenue, à combien estimons-nous la complexité à faire de notre équipe de développement ?
- Confidence : il s’agit de se demander à quel point on est sur des hypothèses de Reach, Impact, et d'Effortavancés précédemment.
Les opportunités de co-marketing
Les frameworks ne font pas tout. Nous prenons garde à ne pas être aveuglés par les scores de nos frameworks fétiches et restons à l’écoute de toutes les opportunités de partenariat et de co-marketing qui se présentent, surtout lorsqu’elles peuvent assurer à notre produit un boost de notoriété. Là aussi, il faut savoir optimiser ses décisions entre la notoriété du produit partenaire et sa volonté de vous mettre en avant et de vous valoriser. Quelques fois, tout coïncide, et on peut mettre en place une jolie stratégie. C’était le cas de Toucan avec Amazon Redshift. Non seulement Redshift fait partie des Data Warehouses les plus reconnus du marché, ce qui nous assure un supplément de visibilité. Le connecteur Redshift devient une pièce maîtresse de notre stratégie d'intégration à l'écosystème AWS : grâce à lui, nous bénéficions d’une présence sur la marketplace et possibilité de gérer la facturation avec les crédits Amazon, connecteurs pour Amazon S3 ou encore Athena. L’association avec un nom d’une telle renommée a, bien sûr, un effet extrêmement positif sur la marque Toucan. Il est évident qu’au vu de tous ces éléments, nous avons choisi de prioriser l’intégration Redshift.
À chaque cas son connecteur
Toutes les intégrations ne se valent pas. Lorsqu’on décide de prioriser une intégration plutôt qu’une autre, il faut savoir quoi faire des autres projets qui restent dans le backlog. Une solution est de moduler le niveau d’investissement : on met plus d’effort selon la priorité de l’intégration et le niveau d’impact que nous cherchons en fonction du persona ciblé. Les projets les plus stratégiques ont droit à une intégration native, alors que les autres se contentent d’une intégration third-party.
Nous décidons ensemble, en tant qu’équipe, du niveau d’intégration que nous voulons donner à tel ou tel produit. Pour ce faire, nous pouvons choisir entre différents types d’intégration :
- L'utilisation de connecteurs "génériques": ce sont des connecteurs qui permettent d'accéder à la donnée de très nombreux services. Par exemple, notre connecteur “HTTP API” permet de se connecter aux services utilisant une API Rest (soit la plupart des applications métiers modernes). Ce connecteur couteau suisse demande néanmoins une appétence technique car de nombreux paramètres sont à rentrer à la main. C'est notre étalon en termes d'expérience minimale
- Les connecteurs spécifiques :ce sont des connecteurs dédiés à un service donné, l'interface est faite pour ne demander que le nécessaire pour se connecter à un service donné pour une expérience plus simple
- Les intégrations natives :ce sont des connecteurs qui vont non seulement permettre de récupérer de la donnée mais aussi déléguer certaines fonctionnalités. Par exemple, le calcul de la donnée pour Redshift et Snowflake. Un travail UX plus important est également fait sur ces connecteurs pour guider l’utilisateur dans les différentes étapes de la connexion.
Quel que soit le niveau d’intégration choisi et le nombre de connecteurs mis en place, le plus important est de permettre à votre produit d’interagir avec un large écosystème, afin de maximiser le sacro-saint du PM : la valeur du produit. La plupart des utilisateurs ont à leur disposition un large éventail de produits qui leur permettent de faire leur travail. Pouvoir s’intégrer facilement dans leurs workflows quotidiens, c’est donner à son produit encore plus de chance d’être remarqué, consulté, utilisé et aimé par le plus grand nombre.